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A la rencontre de l’art martial authentique (Combat, Santé, Survie)

Les arts martiaux traditionnels sont-ils encore efficaces? (Seconde partie).

29 Mai 2014 , Rédigé par Eric Garnier Sinclair Publié dans #"Chroniques réflexions" Magazines

"Les arts martiaux traditionnels sont-ils encore efficaces?" (2ème partie):

Suite au reportage "Les arts martiaux traditionnels sont-ils encore efficaces?", nous avons demandé à plusieurs personnalités (issues de disciplines martiales différentes - karaté, aïkido, Krav maga, Dao Shu ...) de donner leur avis. Certains ont accepté, d'autres ont refusé. Auparavant, petit retour avec Eric Garnier Sinclair, l'auteur de l'article (Dragon n°7), afin de mieux  comprendre le débat avec nos invités. La codification, la compétition, le DO, le mental, la politique des dirigeants, de nombreux paramètres sont abordés sans langue de bois dans cette deuxième partie consacrée aux arts martiaux traditionnels.

Dragon magazine: Bonjour, avant de revenir sur le reportage (Dragon n°7) présentez-vous à nos lecteurs car vous avez plutôt un parcours atypique dans les arts martiaux?

Eric Garnier Sinclair: Il est vrai que je suis un Globe trotter, curieux et amoureux de la vie et de la nature. J'ai commencé les arts martiaux en 1972. J'ai travaillé la boxe chinoise avec Li Wing Chueng jusqu'à sa mort. Ensuite j'ai étudié dans plusieurs écoles Chinoise, japonaises et Russes. Pendant 35 ans, je suis parti à la rencontre de nombreux Maitres et experts en arts martiaux externes et internes à travers le monde en passant par le Free fight aux Pays-Bas avec Bas Rutten. Je suis resté plusieurs années avec lui et ensemble nous avons écrit un livre sur le Pancrase puis posé les fondations de l'actuel MMA Européen. Après son départ pour les USA, j'ai rencontré les Russes et la biomécanique. Depuis, j'ai écrit une thèse (3000 pages sur les arts martiaux). Avant mon retour en France, j'ai vécu 5 ans en pleine forêt. Cette expérience fut le socle de ma nouvelle "philosophie" de la vie. Aujourd'hui, je consacre mon temps aux recherches sur la biomécanique, la survie Tout Terrain, le "psycho-combat", les exercices de santé et la méditation avec les sons binauraux par exemple. Je continue d'étudier entre autre avec le Lieutenant Colonel Maksimtsov, ancien instructeur des spetsnaz (Force spéciales Russes) et policier à l'anti-Gang de Kiev car on nait jardinier et l'on meurt apprenti jardinier n'est-ce pas?

Dragon magazine: Vous enseignez aux professionnels de la sécurité?

EGS: Oui. Notamment à la police Néerlandaise, Belge et espagnole. J'échange également mes connaissances et mes expériences avec des civils, des militaires, des pompiers, des portiers de discothèque. Dans ma jeunesse, j'ai travaillé dans la sécurité, comme dans les night Clubs par exemple. J'ai énormément appris au contact des peuples à travers mes "voyages" (Afrique, Serbie, Chine, Ukraine, ...). Chacun a  sa notion de la vie et de la mort si différente de la nôtre en occident.

Je ne me considère pas comme un enseignant au sens propre du terme. Je montre simplement ce que j’ai compris, les principes qui fonctionnent sur le terrain. Rapidement, j'ai compris qu'on n'apprend pas à nager avec un manuel. "L'aigle a beau avoir des serres, il ne pourrait capturer une mouche". Pour moi, l’enseignement consiste à donner des indices aux élèves et à leur montrer non pas leurs points forts mais leurs points faibles. Ma vision du DO ou TAO et de la compétition est différente de la "pensée occidentale" dans son ensemble.

Dragon magazine: Vous êtes contre la compétition?

EGS: Non, je fus également un compétiteur. C'est une béquille "sociale" non négligeable, un bien indispensable ou un mal nécessaire. Je déplore juste les dérives "mafieuses" et sportives avec la prise de substances illicites par exemple. C'est une des portes à ouvrir pour mieux comprendre le chemin à parcourir vers l'Okuden (mais nullement indispensable). Privilégier l'aspect compétition à tout prix au détriment de la voie est également une dérive assez fréquente. Les professeurs qui enseignent le DO et la compétition ne sont pas légion.

Dragon magazine: Mais vous avez étudié les arts internes et le Free Fight ? N'est-ce pas incompatible?

EGS: Non, au contraire. Ils sont indissociables. Mon grand père paternel, paysan et ancien poilu de la guerre 14-18, fut gravement blessé au tristement célèbre "chemin des dames". Souvent nous parlions de cette époque. Il me disait que "c'est à la fin de la foire que l'on compte les bouses". J'ai appris énormément avec lui l'amour de la terre et l'art de la guerre, sa façon un peu rude de décrire le Yin & le Yang.

Somme toute, il rejoignait à sa façon les maitres d'antan qui disaient que « Savoir se défendre, fortifier le corps et l’esprit sans négliger la spiritualité est l’essence même d’un véritable art martial, digne de ce nom ».

Apprendre et surtout comprendre la boxe "interne et externe" fait partie intégrante du TAO ou du DO. A l'instar du café au lait, ces 2 formes sont hétérogènes et indissociables. Elles facilitent les échanges et la rencontre. Par exemple, les regrettés Andy Hugh (K1) ou Patrick Brizon (kick boxing) enseignaient également le tai chi chuan. Sifu Wang Xiangzhai disait bien qu'il ne faut pas mettre l'accent sur l'apparence mais sur les réactions de l'esprit. Tout ce qui est visible et tangible est illusoire. L'un de mes professeurs, Maître Dao m'a enseigné que la faiblesse de l'homme est de croire qu'il est fort. Sa force est de savoir qu'il est faible. Il faut savoir lire entre les mots et décrypter les messages laissés en héritage.

Dragon: Vous parliez d'échanges. Quels genres d'échanges exactement?

EGS: Les échanges et la rencontre entre styles, entre les écoles. Comprendre l'autre à travers les échanges est un trésor et un tremplin pour progresser.  D’après Claude Heyberger " La rencontre est l’un des voiles de la vérité. Mais il n'y a pas de rencontre entre celui qui sait et celui qui ignore, entre celui qui croit savoir et celui qui pense qu'il ignore, entre celui qui a et celui qui demande, entre celui qui a tort et celui qui a raison… La rencontre n'est pas une démarche initiale, elle est la condition permanente d'une relation patiente dans laquelle personne n'impose rien à personne. Dans la rencontre, chacun peut exister dans son savoir, son expérience, sa pensée, sa fierté. Elle est réciproquement valorisante ete doit encourager chacun à être en mesure de poser des gestes pour le bien de ceux qui l'entourent et ainsi contribuer à redonner sens à sa vie".

Il est aberrant de voir les guerres stériles dans les mêmes familles de karaté, de krav maga, d'aïkido, en systéma ...). Page après page, chacun remplit le livre de sa vie mais dans le monde des arts martiaux, il me semble que certains sont bloqués au prologue voir au sommaire. Le savoir ne nous appartient pas. Personnellement, un art martial m’inspire la liberté. Jamais je n'accepterai qu'un professeur m'interdise de travailler avec un autre instructeur, un autre style, une autre école.

Dragon magazine: Dans le reportage paru dans Dragon n°7, vous dites que les stages de formation en survie sont un tremplin pour la compréhension d'un art martial, pourquoi?

Pour comprendre la survie, il faut assimiler les bases fondamentales de la vie. A travers cette dernière, je sais que la vérité doit s’inspirer de la pratique. C’est par la pratique que l’on conçoit la vérité. Il faut corriger la vérité d’après la pratique. L'expérience du combat et la survie lèvent un des voiles de la vérité.

L’éducation que nous avons reçue a gommé pratiquement les dons que la nature nous a offerts. Notre société, dominée par l’argent s’oppose au courant de la vie. Les agents stressants négatifs rongent les hommes et leurs instincts et leurs sens sont étouffés par un formatage imposé et un assistanat permanent. Hors la meilleure arme face au danger c'est l'instinct car ce dernier permet d'anticiper. La survie réveille les instincts et les sens et le cerveau va réagir dans l'instant. 3 mots clé à retenir: Observation, anticipation, réaction ... Partir une semaine avec un seul couteau dans la poche en pleine forêt est une expérience extraordinaire. La vie dans son processus vivant, dans son expansion dynamique est une sans division. A travers ce genre "d'exercices", on découvre que le corps sans esprit est sans utilité, qu'il faut toujours s'attendre à l'inattendu. Face à l'inconnu, votre vraie personnalité se découvre et vous comprenez que Combat, santé et spiritualité sont indissociables. C'est une expérience qui engendre l'humilité et vous fait toucher du doigt l'essence véritable de la vie.

Dragon magazine: Que vous apporte ce genre d'expérience?

Après les 5 ans passées en pleine nature, j’ai conjugué le verbe vivre au présent et j'ai découvert ce que signifiait le verbe être. J’ai fait un choix à un moment ou il fallait choisir,  le moment d'être heureux, l'endroit pour être heureux. Et pour être heureux, il faut rendre les autres heureux d'ou l'intérêt des échanges cités plus haut.  D'abord, il faut savoir pourquoi on le fait, ou, comment et avec qui!

L'erreur est interdite en survie car elle peut coûté très cher voir même vous être fatale. Idem en combat réel. La déshydratation, la thermorégulation, le repérage, la protection sont des éléments qui aiguisent vos instincts et vous préparent à l'inconnu. C'est ce dernier qui engendre un choc psychogénique (stress psychologique & émotionnel). Comprendre le mécanisme du stress est une aide précieuse pour la gestion de celui-ci. Si en cas de R.D.N. (rupture de la normalité) le mental ne suit pas, les chances de surmonter une situation critique sont compromises. La préparation psychologique, les règles du comportementalisme humain, les réactions émotionnelles et individuelles sont complètement ignorées dans les arts martiaux traditionnels enseignés aujourd'hui.

Apprendre les principes de la survie, c'est renforcer une cohésion humaine et l'esprit de corps, c'est contrecarrer les certitudes et pointer du doigt les incohérences de notre société, de la "logique" imposée dans notre éducation judéo Chrétienne. Certes la société a changé, les samouraïs ont disparu, mais la violence est toujours la même, le respect et les valeurs  inculqués jadis fondent comme neige au soleil. Ces affirmations vont faire grincer les dents mais toutes les vérités sont bonnes à dire, c'est nous qui ne sommes pas tous bons pour les entendre. Elles sont comme les étoiles: On ne les voit pas tout le temps, mais elles sont toujours là !

Dragon magazine: Quels genres de certitudes? Pouvez-vous nous donner un exemple?

EGS: Albert Einstein disait: "Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don". Un homme sûr de lui est un homme dangereux pour lui-même et pour les autres. L'arrogance, la suffisance et l'égo engendrent des certitudes. On voit aujourd'hui ou les certitudes politiciennes mènent les peuples. Revenons aux arts martiaux: Nous avons des informations enregistrées dans la mémoire cellulaire, les engrammes. Hors en self-défense, on enseigne la technique X capable de terrasser King Kong en 2 secondes. Parfait, mais il suffit d'un grain de sable dans la réalité pour que la machine s'enraye. Alors king Kong va vous en coller une bonne à vos dépends. Je parle de self défense ... Hors de nombreux paramètres sont occultés dans l'enseignement. Personne ne vous enseigne que 2% d'eau en moins dans le corps c'est 15 à 20% de capacités cognitives ou physiques en moins. Les codifications acquises en self- défense dans une salle s'effacent en cas de déshydratation, de froid, de "Freezing" dû au choc d'une agression par exemple. On oublie d'enseigner, de détecter et de "contourner" les agents stressants négatifs humains (peur, effet de surprise, angoisse...).

Robert Paturel (ancien champion de boxe Française, ex négociateur au RAID) l'explique très bien dans son ouvrage "Boxe de rue": " Les recherches montrent que notre capacité à fonctionner sous les effets du stress est directement liée à une hausse du rythme cardiaque. A 115 battements / minute, la plupart des gens commencent à perdre les fonctions motrices fines. Les talents qui demandent une coordination ou une dextérité des doigts vont commencer à devenir difficiles à réaliser. Alors que le rythme augmente à 145 battements par minute et plus, notre corps va commencer à réduire l'efficacité de certaines fonctions qu'il considère être moins essentielles à notre survie pendant le temps du stress, cela incluant les effets sur la vue et l'ouïe, ainsi que des altérations de certaines zones du cerveau. La chose à se souvenir est qu'en combat, nos battements cardiaques peuvent passer de 70 à 220 battements par minute en moins de 10 secondes. Un tel cas peut déclencher un état d'hyper vigilance ou un blocage. Au minimum, notre capacité à prendre des décisions sera sévèrement altérée. D'autres recherches suggèrent que le rythme cardiaque idéal pour une réponse fonctionnelle en combat, permettant le maximum de temps de réaction et la maintenance des principes moteurs grossiers, se situe dans une zone de 114-145 battements par minute."

Hormis un conflit armé ou une guerre, seule la survie vous amènera cette expérience très enrichissante car on est face à soi-même, impossible de se cacher derrière un paravent d'illusions.  Il faut toujours s'attendre à l'inattendu sans tomber dans la paranoïa. L'art martial véritable enseignait la notion de l'instant. Aujourd'hui, la notion de durée prend le dessus à cause des codes, des règles pour la compétition. Il y a trop de copier/coller chez de nombreux enseignants. N'est pas Ueshiba Senseï, Vasiliev ou Zidane qui veut. Il faut savoir que les dernières recherches scientifiques faites en Chine vont en décevoir plus d'un!

Dragon magazine: C'est à dire?

EGS: En 1955, le cerveau d'Einstein fut prélevé et étudié, afin de mieux comprendre l'origine de son génie. Men Weiwei, auteur principal d'une étude menée dernièrement à Shanghai (Chine) a observé des images à haute résolution des tissus du cerveau du génie. D'après les éléments que j'ai en ma possession, "Ce groupe d'étude s'est focalisé sur la commissure qui fusionne les deux moitiés du cerveau ensemble (tout cerveau humain possède un hémisphère droit et un hémisphère gauche, chacun étant responsable d'une gamme de fonctions) appelé le "corps calleux". Ces deux hémisphères communiquent et se coordonnent les uns avec les autres, via ce corps calleux. Le chercheur a utilisé une technique de visualisation graphique pour mesurer l'épaisseur des différentes subdivisions de la jonction; cette épaisseur indique le nombre d'intersections de nerfs à cet endroit, ce qui à son tour indique le degré de connectivité en fonction du nombre de nerfs. En clair, plus il y a de nerfs, mieux le tissu cérébral est connecté. Il a pu ainsi établir que le cerveau d'Albert Einstein surpassait tous les cerveaux de 67 autres adultes décédés qui étaient nés la même année que lui, en termes de connections cérébrales." De surcroît, les génies toutes disciplines confondues auraient ce point commun avec Einstein.

Dragon magazine: Pensez-vous que les arts martiaux traditionnels puissent recouvrer leur "essence" ancestrale?

EGS: Non ... la société est différente, beaucoup de paramètres ont changé la donne. De plus, l'argent dirige le bal, la compétition mène la danse. L’universalité est complètement faussée par des jugements de la vie. Elle est un tout, indissociable et en aucun cas commandée par des dictats qui obéissent à des financiers. Roland Haberzetzer l'a très bien résumé. (A propos de l'OKUDEN), « Personne n’aime lâcher la proie pour l’ombre. Or c’est dans cette ombre que se cache l’essentiel ». La parole des anciens est devenue inaudible, pire elle est ignorée par beaucoup de Maitres qui sont censés la semer.

Jamais le proverbe Africain " Lorsqu' un ancien meurt, c’est une bibliothèque qui brûle"  n'a eu autant de sens. Les derniers géants des arts martiaux tirent leur révérence. Même en Chine par exemple, la jeunesse "repousse" les arts martiaux traditionnels. Faire du tourisme dans le monde des arts martiaux est devenu une sinécure. Il faudrait également s'interroger sur la désertion des seniors de nos dojo... C'est un autre débat.

Dragon magazine: Quelle est votre conclusion?

EGS: 20 ans est l’âge de l’illusion … 50 l’âge de la vérité, non seulement des vérités découlant de la vie, mais surtout de la vérité de ce qu’on est … 70 ans, la vérité est, que l’on sait que l’on ne sait rien, que la vérité ne se comprend pas, elle s’intègre. Chacun suit sa propre voie. L’homme ne progresse pas de l’erreur vers la vérité, mais de vérités en vérités, d’une vérité moindre à une vérité plus grande. Mais attention, Nul ne détient la vérité, même une horloge arrêtée a raison 2 fois par jour. Nous sommes encore quelques personnes à échanger, à faire des recherches pour un monde "meilleur" car, comme le souligne ce proverbe Japonais « Tu peux rester immobile dans le courant d’une rivière mais pas dans le monde des hommes ».

Débat: Les intervenants:

Robert Paturel: B.E.E.S .2 (brevet d´état d´éducateur sportif 2e degré) Boxe Française, Gant d’or, champion de France & Champion d’Europe 1984, concepteur de la méthode Boxe de rue & méthode Française de tonfa sécurité enseignée dans la Police, Diplôme de négociateur (gestion des situations de crise), intervenant et instructeur au RAID  pendant 20 ans (tactique, tir, combat, négociation), cadre Technique à l'ADAC

Jacques Tapol: 7ème Dan de karaté, champion de France, d'Europe et du monde, professeur de cette discipline.

Philippe Da Costa: Champion de France et vainqueur de la coupe du monde en Quan Ki Do, instructeur Krav Maga ICCS,  concepteur du module "lutte de rue", gestion du corps à corps, animateur BMF2 Contact Défense, formateur gestion des actes de violences, sambo FFL. Philippe a travaillé dans la sécurité pendant 10 ans.

Jacques Lecomte: 5eme dan aïkido, instructeur systema école Maksimtsov, professeurs de ces 2 disciplines.

Paco Martinez: Instructeur principal en Dao shu art martial eurasien multiforme, qui enseigne une méthode supérieure de maîtrise et de défense de soi et d'autrui. Il peut être pratiqué par tous sans qu'aucune condition physique préalable ne soit nécessaire. Paco est infirmier en psychiatrie dans un service dit "pintentaire".

Jean Louis Goguet: 5eme dan karaté, agent de sécurité, il enseigne le karaté shotokan  en Loire Atlantique

Questions:

1- Pensez vous que les arts martiaux traditionnels sont encore efficaces?

Robert Paturel: NON! Pas tel qu'ils sont pratiqués aujourd'hui

Jacques Tapol: D’abord il faut définir ce qu’est l’efficacité et ce qu’on recherche. Pour ma part je ne vais parler que des arts martiaux japonais, qui sont issus pour la  majorité des arts chevaleresques et du karaté do qui a été rajouté ensuite dans les arts martiaux japonais. Tout part de l’idée du « do » qui codifie les arts aux japonais et que l’on retrouve dans kyu do, aikido, karaté do,iado, etc. Avant le do était remplacé par jutsu qui pour simplifier signifiait « techniques pour tuer ». Cela signifie que par la pratique on cherche à s’améliorer personnellement et dépasser l’idée du combat mortel et de la self défense. Si on ne recherche que l’aspect efficacité pour une self defense immédiate, on peut dire que ce n’est plus le but recherché dans un art martial traditionnel et qu’il y a d’autres techniques plus adaptées.

Jacques Lecomte: Il conviendrait peut être de définir ce qu’est un art martial traditionnel. A l’heure d’aujourd’hui, en existe il encore? Réellement?  Je dirais que pour qu’un art martial soit efficace, il faudrait en connaitre le but. Efficace en combat? Efficace en confrontation règlementée? Efficace pour dépenser son énergie? Efficace pour se donner une voie, une ligne de vie? Si la question se rapporte au combat, l’art martial doit préparer à ce combat. Si il s’agit de self défense, il faut s’entrainer en situation de self défense. On ne peut pas réagir de pareille manière en Keikogi sur un tatamis après un bon échauffement et dans une tenue de ville dans un escalier, assis dans sa voiture ou même dans l’eau jusqu’a la taille à froid. Le contexte, le lieu, le moment et la nature du combat sont autant de situations différentes auxquelles les pratiquants d’arts martiaux et sport de combat ne sont pas préparés. L’impact psychologique d’un combat réel, non préparé vécu a froid, qui va stimuler les systèmes sympathiques et para sympathiques qui sous-tend à une issue mortelle peut faire perdre la totalité des moyens au “meilleur combattant sur ring” ou  “sur tatamis”.

Paco Martinez: Les arts martiaux sont de plus en plus inefficaces car inadaptés à notre temps, ils favorisent l’apparence de la puissance musculaire  et du spectacle plutôt que la recherche réelle de l’efficacité.

Philippe Da Costa: Non! Actuellement, les arts martiaux favorisent l’aspect sportif au détriment du réalisme.                

Jean louis Goguet: Enormément d'amalgames sont commis entre les arts martiaux et le reste. Les arts martiaux resteront authentiques tant que des pratiquants sincères et profonds seront là pour les préserver.

2- La compétition n'a t-elle pas tué l'essence des arts martiaux?

Robert Paturel: Oui!! La compétition avec tous les parasites et interdits ne peut-être conducteur d'efficacité 

Jacques Tapol: Si on considère la compétition comme une méthode d’entrainement ; celle-ci ne peut pas tuer l’essence des arts martiaux. L’entrainement, dans un dojo n’est pas plus réaliste que la compétition car là aussi tout est codifié. Il n’existe jamais de combats totalement libres dans un dojo. On est loin de la réalité. D’ailleurs la plupart des méthodes de self defense sont développées dans des clubs sportifs pour des gens qui ne sont ni dans l’armée ni des forces de sécurités ou autre… Et parfois par des gens qui s’inspirent des commandos sans y avoir été eux même. Tout dépend donc de l’esprit du pratiquant. Si on n’en fait de la compétition en pratiquant tous les aspects d’une discipline et notamment l’aspect culturel, ca ne peut être que bénéfique.

La compétition ne tue pas l’essence des arts martiaux mais c’est plutôt la réflexion du pratiquant si celle-ci est limitée. Pour ma part j’ai fait de la compétition pour éviter de me battre dans la rue. J’avais envie de me tester, dans quelque chose qui allait me faire progresser pour gérer mon stress, les blessures, etc. Le judo,  qui est critiqué à tord, n’a pas été créé pour la self defense mais par quelqu’un d’humaniste qui voulait développer une lutte ritualisée et éducative. La compétition ne tue rien que ce soit en judo ou en karaté mais répond à l’attente de certains jeunes. Pour ceux qui veulent se protéger contre  les agressions il  y a soit d’autres méthodes, soit d’autres formes d’entrainements. Mais je suis dubitatif sur certains qui prônent des méthodes « très réalistes », car ils n’ont pas tous l’expérience du terrain et s’entrainent avec des pistolets, mitraillettes et couteaux en plastique ! Est-ce qu’ils combattent à mort au club avec des armes réelles sans aucunes règles? A mon avis ils passent eux aussi par des méthodes d’entrainement codifiées.

Jacques Lecomte: Par définition, dans un combat, la défaite, c’est la mort! La compétition, en supprimant les actions efficaces, interdisant les coups “tordus” et dangereux, est incompatible avec la notion d’art martial. On se permet de mourir et "re mourir", dans des règles que l’on aurait bafoué dans un combat réel. Ne crèverait on pas les yeux de la personne qui nous étrangle dans un cas réel? Dans l’art de la guerre, attaquerions nous notre adversaire, de face après l’avoir salué? On pourrait penser que dans un art martial la capacité à atteindre son but serait le but de l’entrainement. Donc dimension stratégique, organisationnelle, psychologique liées forcément aux compétences martiales.

Paco Martinez: La compétition avec toutes les règles pour faire durer le spectacle et les acteurs  est a l’opposé de l’esprit des arts martiaux, l’esprit et l’art étant indissociables  quand l’esprit disparait l’art disparait aussi.

Jean louis Goguet: Il est plus qu'évident que nous sommes dans une société d'attardés "indécrotables" dont les meneurs n'ont pas fini de se réincarner. Il n'y a qu'à regarder les débiles profonds que sont les footeux et le niveau particulièrement indécent de leurs revenus pour comprendre jusqu'où peut mener la compétition.

Philippe Da Costa: La compétition est synonyme de cérémonial, de règles. Tout ce qui est obsolète dans un affrontement de survie.

3- Le mental est-il occulté au profit des médailles et des diplômes?

Robert Paturel: Oui!!! et ça rejoint ce que je dis plus haut.

Jacques Tapol: Tout dépend toujours de la mentalité du pratiquant ! Il y en a qui sont attirés par la « cordonite » et les honneurs et d’autres qui sont sincères et humbles. Dans tous les domaines il y en a qui ne pensent qu’à leurs intérêts et d’autres qui se mettent au service des autres. Il y a toujours eu les deux, même par le passé pendant ce qu’on  nommait l’age d’or des arts martiaux. Miyamoto Musashi en parlait déjà dans le traité des « cinq roues ». D’ailleurs des films comme « hara kiri » sont des critiques sur cet âge d’or des Arts martiaux et la quête des honneurs et tîtres comme « Après la pluie ». Je ne sais pas vraiment ce qu’est le mental car en tant de guerre ou face à des situations très difficiles ce sont parfois ceux qui se vantent le moins qui répondent présent. D’autre part médailles et diplômes ce n’est pas pareil. Pour certaines compétitions on subit des blessures assez conséquentes, et des ko en karaté, n’en déplaise à certains, et on doit quand  même continuer. Alors certes, ce n’est pas du combat réel, mais c’est un bon début pour s’entrainer. Alors je ne comprends pas ces réflexions sur le mental, car la self defense et le combat réel sont autre chose et chacun s’entraine pour ce qu’il souhaite. Les diplômes sont autre chose. En combat réel il n’y a aucune certitude alors ces réflexions sur le mental sont une façon pour certains de se revaloriser en dévalorisant les autres. Alors franchement ca me saoule, car pour les compétiteurs nous nous occupons de nous entrainer pour notre plaisir, sans chercher à rien prouver. Tandis que j’entends sans arrêt des gens qui nous critiquent alors qu’ils n’en font pas plus et qu’à part quelques uns qui ont l’expérience du terrain comme M. Paturel, ils ne font que rêver qu’ils sont des surhommes.

Jacques Lecomte: Il est indispensable de forger son mental, de le préparer à vivre des chocs et remises en question. La préparation psychologique est primordiale. Vivre des situations non prévues, dans lesquelles nous perdons tous nos repères, ou toutes les règles sont remises en cause. Dans un vrai combat il n’y a jamais de gagnant. Personne ne s’en sort indemne, ni physiquement, ni mentalement, et parfois juridiquement. La vraie victoire, c’est la victoire sans combat! La compétition, les médailles, coupes et classements on l’effet perverse d’offrir une satisfaction post combat. D’enrober de papier cadeau la capacité grave à entrer dans le combat. D’ailleurs combien de déçus ou mécontents pour combien de satisfaits lors d’une tournoi? Un seul gagnant et moult perdants?

Paco Martinez: Certes le mental est occulté au profit des médailles et diplômes, car la société actuelle donne plus de crédit à un morceau de fer ou de papier qu’au mental qui est une vielle donné dont peu de gens connaissent l’utilité et la manière de le travailler.

Jean louis Goguet: L'art martial est une pratique exceptionnelle pour des gens à part qui
cherchent sans cesse à s'améliorer et non à se couvrir d'or.

Philippe Da Costa: L’enjeu d’un affrontement dans la rue, c’est préserver son intégrité physique et mental. La récompense, ce n’est ni une médaille ou un diplôme. Si nous ne sommes pas préparés à cet enjeu, nous allons droit  vers l’échec. Détermination, combativité sont les éléments primordiaux pour un combat de survie. 

4- Maitre Minoru Mochizuki déclarait "Je pense que le jour où les arts martiaux Japonais seront devenus des sports Ils seront morts", qu'en pensez-vous?

Robert Paturel: Je partage totalement sont point de vue c'est la sagesse même

Jacques Tapol: Maitre Minoru Mochizuki est né en 1907 et a  connu les derniers soubresauts de la féodalité Japonaise qui n’a été abolie qu’en 1868. Il a lui-même été élevé dans la notion de « jutsu » ou art de tuer sans qu’il soit un homme sanguinaire.Il a du connaitre des maitres issus de l’ère Tukogawa mais auss iun  maitre Ueshiba qui lui était complètement dans une forme de spiritualité et dans le do. Il n’était pas versé dans le sport ayant lui-même été appelé semble-t-il pendant la guerre du Mandchourie. Sa réflexion était celle d’un homme partagé entre deux mondes et élevé dans l’esprit des samouraïs, et de l’entrainement guerrier. Nous devons réfléchir suivant les critères de notre époque et d’après une société qui n’est pas sans cesse en état de guerre ou de conflits. Les maitres d’armes par le passé s’entrainaient pour la guerre au japon pendant l’ère Tokugawa et ensuite pendant l’ère meiji ils ont continué sans pouvoir faire la guerre. Donc ces réflexions sont fondées sur une société qui n’existe plus.

Jacques Lecomte: Tout à fait d’accord, pour les raisons évoquées plus haut!

Paco Martinez: Ce que je voie actuellement sur les arts martiaux et technique de combat donne complètement raison à Minoru Mochizuki

Philippe Da Costa: C’est valable pour toutes les disciplines martiales et de self-défense

5- Jigoro Kano disait « Toute victoire qui n’entraîne pas la conviction et la transformation du partenaire, n’est qu’une apparence et une illusion. Vaincre sans convaincre n’est rien. ». Ne croyez-vous pas que les arts martiaux sont tombés dans l'illusion aujourd'hui?

Robert Paturel: On insiste beaucoup sur le fair-play  qui est une valeur en tant de paix. Je pense que le guerrier laisse tous ces beaux sentiments quand le moment d'intervenir se présente.

Jacques Tapol: Jigoro Kano parle de  judo et donc d’une lutte éducative à l’entrainement ou en compétition. Il parle donc de partenaire et non d’adversaire. Aussi quand on gagne, en sport ou à l’entraînement, ca doit entrainer la transformation du partenaire. En combat réel c’est sur qu’on peut éventuellement entrainer la transformation de l’adversaire si il est encore vivant. Les arts martiaux sont complètements dans l’illusion, pas pour ceux qui pratiquent une application sportive car ils sont dans leur sport. Mais parfois pour ceux qui pensent détenir une vérité sur leurs méthodes d’entrainement, car en combat réel, on est jamais sur de rien.

Dans les arts martiaux traditionnels on s’entraine surtout pour essayer d’améliorer notre comportement dans la vie de tous les jours car justement, nous savons que vouloir être plus fore que les autres est une illusion. Le but étant le combat contre soi-même. Aussi croire qu’on a la « martingale » idéale pour entrainer à surmonter toutes les situations en combat réel est une illusion. Pour ma part je suis très content que mes élèves soient inefficaces, car ils s’entrainent pour le plaisir et en vivent pas dans la paranoïa !

Jacques Lecomte: On voit régulièrement qu’une correction amène à des représailles, une altercation entre deux personnes finit en bataille rangée. Il n’y a pas de victoire dans un combat, les deux combattants en sortent blessés. Chacun à un niveau différent peut être. La seule victoire peut résider dans le fait d’avoir pu rester en vie.. Jusqu’à?

Paco Martinez: Complètement affirmatif de mon point de vue

Philippe Da Costa: Seul le résultat compte. Notre esprit et notre corps doivent être tournés vers un seul objectif : vaincre à tout prix.

Jean louis Goguet: Quand à l'efficacité, elle est, à un certain niveau, beaucoup plus cérébrale que physique

6- Les Maitres d'hier & d'aujourd'hui sont-ils responsables de cette situation? Les dirigeants des Fédérations ? Le système d'une société basée sur la dualité?

Robert Paturel: Automatiquement nous sommes tous un peu responsables, pour forger des combattants il faut commencer par les maltraiter à l'entraînement, si vous faites ça dans un club ils vont tous aller porter plainte et changer de sport.

Jacques Tapol: Je crois qu’il faut tout simplement savoir pourquoi on s’entraine et ce qu’on recherche. Il est difficile de parler des maitres d’antant et d’aujourd’hui car il y en a toujours qui bâtissent leur réputation soit sur une forme de  légende, soit sur une pseudo efficacité. Certains font de la réclame et se vantent. D’autres ne sont pas dans la même démarche. Les fédérations essaient de gérer un peu tout çà mais c’est surtout le comportement de certains qui est répréhensible. Il peut y avoir une forme de dualité car on s’entraine sur une prétendue efficacité tout en recherchant dans le traditionnel une élévation de l’esprit. Je dirais qu’on imagine symboliquement des situations de self défense et l’attitude que l’on devrait avoir. Tout en essayant de ne pas sombrer dans des techniques trop violentes, ni trop efficaces car on recherche une certaine esthétique morale et gestuelle. Dans le karaté do on n’est pas forcément efficace comme çà ! Mais qui peut dire ce que donnera un homme en situation extrême.

Jacques Lecomte: La société, les ministères, le fait d’intégrer les arts martiaux aux sports, sont responsables de cette situation. Le besoin de reconnaissance, d’exhibition de la personne, se montrer le plus fort! Les résultats en compétition et surtout les moyens financiers qui y sont afférents ont dénaturé les arts martiaux aujourd’hui.

On pourrait imaginer qu’un vrai guerrier, cacherait ses facultés martiales a ses adversaires potentiels, stratégiquement.

Paco Martinez: La dualité permet l’affrontement des êtres qui permet le spectacle Dans tout spectacle se cache un business. L’homme étant avide de spectacle, voilà le résultat

Philippe Da Costa: C’est notre société actuelle avec ses règles aseptisées qui empêche un enseignement réaliste. Si l’instructeur sort de la norme, il peut se faire interdire le droit d’enseigner.  

7- L'art martial est une école de la vie. Aujourd'hui on assiste à un enseignement copier/coller généralisé. Maitre Wang disait que notre société a perdu le contact avec l'esprit car nous fonctionnons principalement sur le mode de la logique. Nous voulons tout analyser et éprouvons des difficultés à museler l'esprit logique et à écouter notre être intérieur, notre être primitif, ce qui étouffe notre instinct et notre intuition. Etes-vous d'accord avec lui?

Robert Paturel: Le maître doit être un guide, un éducateur mais peu d'élèves aujourd'hui sont réceptif à ce que l'enseignant veut amener, ils se comportent pour certains comme sur les bancs du lycée, ils viennent "consommer", ils ont payé pour ça et vous le font comprendre.

Jacques Tapol: Ce sont des phrases creuses et on ne peut généraliser comme çà. Pratiquer et surtout enseigner c’est concevoir des entrainements construits pour atteindre des paliers. Je pense donc qu’un entrainement bien conçu peut permettre de retrouver l’instinct et de développer l’intuition. Il suffit d’être un bon professeur, de réfléchir et de tester!

Jacques Lecomte: En grande partie oui, dans un réel cas, un combat réel, l’esprit logique n’aura pas la parole, le primitif, le cerveau reptilien prendra les commandes et tout le travail de préparation, tout l’entrainement logique, souvent inadapté aux réelles situations, imprévues, restera dans la case “regrets” ou “outils non utilisés”.

Paco Martinez: D’accord avec Maitre Wang. La société nous parle souvent de notre être primitif comme de quelque chose de négatif que l’on doit rejeter en bloc, Cependant on oublie que selon les lois de l’équilibre toute chose négative provoque systématiquement un opposé positif qu’il serait bon d’exploiter

Philippe Da Costa: Nous évoluons dans un monde fait de logique et de raison et nous avons mis de côté notre instinct. Dans un affrontement pour la survie, la logique et le raisonnement laissent   place au cerveau reptilien. Notre enseignement doit être tourné vers l’apprentissage de bases et de principes.  

8- Que pensez-vous de l'association école de survie & arts martiaux pour mieux gérer ses émotions sur le terrain et développer ses propres sens et instincts?

Robert Paturel: Je pense que c'est une bonne idée c'est un pas de plus franchi pour accéder au mental et ça peut faire une bonne association avec le combat;

Jacques Tapol: Oui je pense que c’est une bonne idée pour essayer de se mettre dans des situations difficiles et surtout savoir gérer des moments de stress. D’ailleurs de plus en plus de cadres ou de sportifs ont recours à des stages du genre « préparation commando ». Pour ma part avant les championnats du monde de Sydney où j’ai gagné la médaille d’or, je m’étais préparé avec des stages de ce genre. Ca me permettait  m’entrainer à faire face à l’imprévu pendant les compétitions et d’être prêt à tout ; ce qui  m’a beaucoup servi car il n’y a que des situations difficiles à gérer dans un championnat de ce niveau. J’avais mis au point beaucoup d’exercices avec Thierry Masci (Champion du monde en mi-moyen en même temps que moi lors des championnats du monde 1986 en Australie) en situation difficiles dans le vide, le froid , l’inconfort ...  Ca a été une des raisons de notre succès car pendant les vacances nous ne voulions « bronzer idiots ». Pour la survie ca commence à quel moment ? Mais je pense que pour ceux qui font des arts martiaux en compétition ou seulement en traditionnel ca peut être bien de sortir du confort du dojo ou du club.

Jacques Lecomte: Elle permet de mettre les élèves en situation extrême, en situation inhabituelle. De leur faire perdre leurs moyens par le biais d’exposition au chaud ou au froid, à la déshydratation ou la sous alimentation en face d’inconnues souvent insupportables. C’est un très bon exercice et permet de voir ce qui reste efficace ou pas hors de nos contextes habituels

Paco Martinez: Cette association démontre qu'ils sont plus proches de l’art martial que beaucoup de prétendus maîtres "hyper" diplômés.

Philippe Da Costa: C’est aller encore plus loin dans le développement de l’instinct de survie.

9- Eric Garnier Sinclair déclare que la vie dans son processus vivant, dans son expansion dynamique est une sans division. Le corps sans esprit est sans utilité et que combat, santé et spiritualité sont indissociables pour comprendre l'essence véritable d'un art martial. Trop négliger le comportemental engendre un art martial inefficace. Partagez-vous son avis?

Robert Paturel: je suis d'accord sur le fond, mais quel art martial , il y en a tant, , pour moi le mental permet surtout de ne pas tergiverser et savoir passer en "mode combat" dès que la menace se précise, en ce cas le lien est fait automatiquement. Il y a des pratiquants qui ne verront pas le moment ou ils sont en danger. Et des non pratiquants qui auront ce sens développé. Pourquoi???Toute la question est là et je me la pose toujours.

Jacques Tapol: Oui je suis d’accord que l’on doit être en harmonie avec soit et donc en unité. Dans tous les cas c’est l’esprit, la volonté qui va permettre de surmonter la douleur et les épreuves.  Dans spiritualité, je retiendrais « spirit » comme en Anglais qui signifie tout simplement l’esprit. Le comportement et l’attitude sont régis par l’état d’esprit dans lequel on aborde les choses .C’est l’état d’esprit du pratiquant et sa sincérité qui vont conditionner sa réflexion et sa pratique. Je ne sais pas si négliger le comportemental engendre un art martial inefficace car on a que très rarement l’occasion de tester son efficacité. Par contre, il est important de bien réfléchir pour bien concevoir ses entrainements et être « efficace » dans les exercices.

Jacques Lecomte: Le corps et l’esprit ne font qu’un, comme la main et son reflet dans la glace. Oui je suis en bonne partie d’accord avec lui.

Paco Martinez: Je partage complètement son avis. Les religions nous disent que le corps ne peut vivre sans l’âme et beaucoup de gens le croient. Cependant lorsque l’on dit que l’efficacité nécessite la participation du corps de l’esprit cela va à l’encontre de ceux qui ne voit dans les arts martiaux qu’une suite d’enchainements et de techniques dépourvus d’âme et donc de spiritualité.

Philippe Da Costa: Corps et esprit ne font qu’un. Si l’un ne suit pas l’autre, l’affrontement risque de mal se terminer. Il faut être capable de passer du mode zéro au mode combat en une fraction de seconde sans se poser de question et après l’affrontement repasser à la normale. Sans préparation mentale, c’est difficile.

10- Il dénonce également que la majorité des pratiquants se focalise sur une codification et une posture imposées, occultant la présence du mental et des facteurs psychologiques, empêchant de surcroît le développement des instincts naturels. Etes-vous d'accord avec ce point de vue?

Robert Paturel: Encore une fois ça rejoint ce que je dis à la question précédente. Le combat n'est pas une science exacte, sur une même attaque vous ne réagirez peut être pas de la même façon le matin ou le soir, selon que vous êtes accompagné ou pas, selon l'endroit ou vous   vous trouvez il y a tellement de paramètres .Tant d'inconnu.

Jacques Lecomte: Nous sommes tous passé par ces pratiques, les répétitions de mouvements a n’en plus finir, las katas et autres méthodes qui ne sont efficaces qu’après avoir été répétées des milliers de fois. Je pense aujourd’hui que rien ne vaut la spontanéité et l’écoute des réactions innées en nous. Permettre a un combattant de sortir ce qu’il  a déjà en lui est la meilleure école de self défense. Rien n’est plus rapide que la main qui touche un support brulant et qui s’en écarte dans un vrai reflexe.

Paco Martinez: Je suis complètement d’accord sur le fait que beaucoup de pratiquant préfères le faire savoir engendrer par la gestuelle  plutôt que le savoir-faire qui est beaucoup plus difficile d’approcher et donc à acquérir.

Philippe Da Costa: L’affrontement est aléatoire. Pleins de paramètres rentrent en jeu. Mais si vous n’avez pas développé votre esprit d’adaptabilité et votre détermination,  le combat risque d’être difficile. 

11- Etes-vous confiant dans l'avenir des arts martiaux traditionnels face à la mode du MMA et face à une politique axée sur les résultats?

Robert Paturel: Encore une fois même le MMA a ses règles, ce n'est pas la rue. Dans la rue on va intégrer des frappes interdites, et se servir de toutes les parties du corps pour frapper, on va mordre, griffer, pincer, merder des doigts dans les yeux; mettre des coups de tête. Et puis dans la rue il vaut mieux éviter d'aller au sol, en considérant que vous êtes dans le camp des gentils, les méchants sont rarement seuls et ils risqueraient de venir jouer au  ballon avec votre tête.

Jacques Tapol: Oui je suis complètement confiant  car depuis 40 ans il n’y a que des phénomènes de mode ! Le MMA, même si c’est un sport difficile qui demande d’énormes qualités, reste un sport. Certaines personnes y adhèrent  mais il y a toujours des gens qui souhaitent l’esprit du do et notamment dans le karaté do. J’ai beaucoup de gens qui viennent pour la culture, la réflexion qu’apporte la tradition. Il rechercher aussi une forme de joute stylisée et codifiée, car ce ne sont pas des surhommes et ne cherchent à se leurrer en pensant qu’ils peuvent l’être. Ils ne cherchent pas à prouver qu’ils sont plus « complets » ou « meilleurs », car ils n’ont rien à prouver et s’entraine pour seulement améliorer « leur cœur » ! J’ai de plus en plus de monde dans monde dans mon dojo et j’ai des gens qui reviennent vers la discipline du karaté do ! Il y a de la place pour tout le monde et pour toutes les aspirations.

Jacques Lecomte: Les sports ont leur avenir, aujourd’hui la question n’est pas d’être efficace en combat réel ou non, il n’y a qu’a voir les sports les plus suivis au monde. Quelle martialité dans le football? le base ball? Le Judo? Le catch? Oui les arts martiaux et sports de combat auront toujours leurs afficionados. Avec leur système de compétitions, de trophées et de ceintures de champions du monde. Je pense que c’est bien comme ça! Que tout le monde n’est pas prêt à étudier un art martial proche du combat réel et d’en mériter l’enseignement".

Paco Martinez: Pour moi l'art martial réel est un art qui s'adsapte et se developpe selon la société dans lequel il se trouve. La société occidentale cherche en permanence le contrôle et la gestion de tout par des règles officielles où non. Pour dompter une mer il faut en detruire les vagues. Question: une mer sans vague est elle encore une vraie mer ???

Philippe Da Costa: Le MMA est un super laboratoire de techniques martiales et de combat. Il a permis aux disciplines de combat et de self-défense d’évoluer. Une discipline de combat sans évolution devient obsolète.

 

 

Les arts martiaux traditionnels sont-ils encore efficaces? (Seconde partie).
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