Aller à l’entrainement : Persévérer ou lâcher prise ?
« La plupart des hommes, pour arriver à leurs fins, sont plus capables d’un grand effort
Que d’une longue persévérance. » (Jean de La Bruyère, Caractères).
« Fait nuit », « Fait trop chaud », « Suis fatigué », « Pas envie », « j’irai la prochaine fois », « Fait trop froid », « Il pleut », « La prochaine fois » « Y’a foot ce soir à la TV », « Mal foutu »... Qui n’a jamais utilisé ces « auto-excuses » pour ne pas aller à l’entraînement ? Sénèque disait à juste titre « Si tu n’as pas de but et toujours le même but, tu n’auras jamais le bon vent... ». Souvent notre cerveau prend des décisions à l’insu de notre plein gré. Il reste l’entité la plus complexe de l’univers. Il faut savoir qu’« une foule de facteurs entre en jeu dans la formation des réseaux neuronaux qui portent notre mémoire, donc notre conscience et notre identité : les 3 créateurs incontournables sont l’imitation, l’émotion et la répétition » dixit Van EERSEL (rédacteur en chef du magazine CLES). Alors comment progresser sans motivation quand on sait que patience, confiance, motivation et courage figurent parmi les qualités requises sur la voie de la persévérance ?
Dans une société aseptisée « Mac Machin », le phénomène de l’absentéisme est-il vraiment un problème générationnel ? Certes le monde a changé, les mentalités également. Mais jadis, la notion du respect envers son professeur et ses camarades n’avait pas la même tonalité. Le respect des autres commençait par le respect de soi-même. Puis aujourd’hui, les pollutions attentionnelles sont omniprésentes, magistralement orchestrées par des experts en « neuro-marketing », facilitant le lâcher prise. L’avènement de la technologie (internet, réseaux sociaux, presse...) vous sollicite en permanence. Alors comment renforcer sa volonté et sa motivation pour aller au sport, suivre un régime, s’arrêter de fumer... ?
Prenons l’exemple du Krav Maga et du Taiji Qigong ADRV©. D’abord, gardez toujours en tête qu’on ne sait que ce que l’on pratique. Un véritable cours doit reposer sur une pédagogie faite pour atteindre puis enlever (une à une) les couches des blocages, jusqu’à retrouver le sens d’un mouvement naturel (tant volontaire qu’involontaire), afin que l’esprit et le conscient restent calme, libre et serein. C’est la « pédagogie dite de l’oignon ». Elle permet de juger l’aptitude et l’ambidextrie dans le présent et l’espace, de révéler sa propre personnalité, parfois même de déclencher l’éveil à travers un mouvement, la méditation ou la respiration volontaire. L’épluchage couche par couche permet également d’accéder à nos couches émotionnelles passées et aux MOI (basique, conscient et supérieur). Ce mode opératoire pédagogique parfois déroutant s’adresse à celles et ceux qui veulent atteindre leur propre épanouissement. La majorité des Français(e)s encore imprégné(e)s d’un cartésianisme à tous les étages, n’est pas forcément au diapason avec cette forme de discipline ou de philosophie. Pourtant, il faut bien comprendre qu’en restant ancré dans une pensée rationaliste, l’élève se concentre sur le mouvement et nullement sur le dynamisme de l’utilisation du corps (biomécanique) et l’intuition (psyché). Ainsi, dans un monde de marchands d’illusions dans lequel le PARAITRE prime sur le verbe ETRE, de nombreux adeptes des arts martiaux (Japonais, Chinois, Coréens...) pratiquent la musculation afin d’obtenir (dans le temps) un coup de poing plus puissant, alors que la vitesse est plus importante que la masse (E= ½ MV2). La vitesse nait de la relaxation du corps et de l’énergie accumulée à travers le Tai chi chuan, le yoga ou le Qigong. Le meilleur exemple reste le fouet, qui d’un simple mouvement de la hanche dépasse la vitesse du son (340 m/s = 1225 km/h à 15 °C). A-t-on besoin de la musculation pour dépasser Mach 1 ?
On accuse les autres de ses propres fautes.
Confucius disait que « l’archer a un point commun avec le sage : quand sa flèche n’atteint pas sa cible, il en cherche la cause lui-même ». Alors si vous n’êtes pas ou plus motivé(e) pour vous entrainer (qu’importe la discipline choisie), ne cachez pas votre manque de sincérité dans de fausses vérités en guise d’excuses car la liberté intérieure ne peut s’acquérir à travers des mensonges. En 46 ans de pratique martiale et sportive, j’ai rencontré de nombreux élèves qui s’emmuraient dans leurs illusions afin de satisfaire leur « liberté extérieure ». Pire, certains ont fini par croire leurs propres mensonges en ne distinguant plus le vrai du faux. Or, « Un homme qui n’est pas fidèle à lui-même devient un mensonge à deux jambes » dixit Rushdie.
Quand faut-il cesser d’insister et quand faut-il encore persévérer ?
Pour poursuivre sur la voie de la persévérance, il faut être avant tout sincère avec soi-même, sinon à travers le refus de l’effort, la désillusion vous tendra les bras. Les neurosciences ont prouvé que « lorsque vous choisissez une activité qui vous plait, vous établissez une connexion émotionnelle positive. Ainsi, vous avez davantage tendance à respecter votre routine d'exercices. Trouvez un moyen de créer un lien émotionnel positif avec vos séances et vous aurez toutes les chances de rester motivé à vous entrainer encore et encore... » dixit Karine Aubry (coach certifiée et accréditée EMCC). Que ce soit en Krav Maga, en Taiji Qigong, à la marche rapide ou dans un sport collectif, toute vraie transmission comporte deux parties : la première enseigne ce qui doit être fait, la seconde enseigne comment faire ce qu’enseigne la première.
Malheureusement, nombreux sont celles et ceux qui sont confrontés au paradoxe de l’âne de Buridan, légende selon laquelle un âne est mort de faim et de soif entre son picotin d'avoine et son seau d'eau, faute de choisir par quoi commencer. Dans ce cas d'école de dilemme poussé à l'absurde, l’âne meurt de faim et de soif alors qu’il hésite entre ses deux désirs. Dans la théorie de ce conte, il existe une concurrence des contraintes (faim et soif) mais ces contraintes sont asymétriques et cette asymétrie entraîne par conséquent une hiérarchisation des contraintes. Alors vais-je m’entrainer ou non ? En de multiples situations personnelles et professionnelles, cette question se présente à nous quand le résultat de notre action se fait attendre, quand l’effet semble nul.
Persévérer
Karine AUBRY nous rappelle l’histoire de Thomas EDISON. « Pour réaliser son idée d’ampoule à filament – qui éclaire le monde depuis 1878 – EDISON a envoyé ses équipes chercher la matière idéale partout autour du globe ; ils ont rapporté plus de 6 000 substances végétales à partir desquelles Edison a fait 1200 tentatives… jusqu’à réussir avec un filament de coton carbonisé ». Sa conclusion est célèbre : « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas. » En sport, cette vision de l’effort prolongé nous offre aussi de beaux exemples de persévérance. Donc « Il faut distinguer la ténacité de l’obstination : savoir insister et persévérer au bon moment, savoir aussi se retirer et renoncer quand il le faut. » (Shafique KESHAVJEE, extrait de « Le roi, le sage et le bouffon »)
Lâcher prise : Comment être sûr que l’on ne persévère pas pour rien ou dans une mauvaise voie ?
« Face aux messages de persévérance, des voix contraires s’élèvent pour nous inviter à lâcher prise. Ainsi le taoïsme nous dit qu’insister peut contrarier le cours naturel des choses. Lâcher prise et suivre la voie naturelle serait alors bien plus efficace : c’est le « wu-wei » ou non-agir, dans le sens d’une action qui suit la voie naturelle. Le wu-wei, c’est l’absence d’action, d’effort et de contrôle : tout le contraire de la persévérance, finalement ! C’est laisser advenir ce qui advient naturellement. Si vous cherchez à avoir raison face à une personne aussi persévérante que vous, le jeu peut durer un certain temps. Si au contraire vous la laissez exprimer pleinement son point de vue sans jugement – ce qui au départ donne l’impression que vous abandonnez votre projet – vous n’aurez plus d’effort à faire et qui mieux est… elle finira peut-être par se tarir voire, qui sait, vouloir écouter votre point de vue à vous. Le bouddhisme propose aussi le lâcher-prise et prône l’acceptation comme fin de la souffrance. Dans les courants plus récents, l’Ecole du Paradoxe propose l’arrêt des solutions inopérantes, c’est-à-dire un lâcher-prise lorsque la persévérance ne mène pas à la réussite... »
Quelles motivations pour pratiquer le Krav Maga et/ou le Taiji Qigong ?
Lorsqu’on tombe, ce n’est pas la faute de notre pied. Alors établissez un objectif facile, mettez votre plan par écrit, prenez votre entourage à témoin, faites un bilan régulier de vos progrès. Même si en occident, on ne s’entraîne pas autant qu’en orient, la progression passe par la régularité et l’assiduité : “Pareil à l’eau en ébullition, un art martial externe ou interne perd son ardeur, s’il n’est pas entretenu par une flamme” : Les motivations s’articulent également autour d’une recherche d’une pratique sportive, de la maîtrise de soi, d’un anti-stress ou d’une meilleure santé, de self-défense (sécurité), de compétition (dualité), d’efficacité (assurance personnelle), d’un travail énergétique (santé). Aussi, pour nourrir votre motivation, fixez des objectifs et gardez-les bien en tête, faites une mise au point personnelle à travers votre propre analyse de votre manque de volonté. Partagez vos objectifs avec les autres en vous souvenant que l’entretien de vos acquis (sécurité / santé) va de pair avec la régularité.
Comment depuis 46 ans je continue à m’entrainer régulièrement ?
D’abord, je m’efforce de ne jamais sauter un entrainement d’une journée qui se termine par une lettre qui commence par la lettre I. Chaque jour, j’ai un rendez-vous avec moi-même, car moi seul est l’obstacle à ma réussite. Après tant d’années, je sais qu’il n’existe aucun ascenseur pour m’emmener au dernier étage de mon objectif : L’accomplissement de soi. Pour parvenir à celui-ci, je monte les étages marche par marche. Chaque jour, je ne me limite pas à mes défis, mais je défie plutôt mes limites car je sais que je SUIS ma seule limite. La capacité de faire face à mes défaites sans abandonner, réside dans le refus de me chercher des excuses, meilleur moyen de trouver des résultats. Le chemin est long, souvent singulier, parsemé d’écueils. Mais j’ai appris que 1000 km commençaient par un pas et chaque pas, fut-il quotidien, mène à de grands changements. Négligez ce principe et votre objectif sans plan demeura simplement un souhait. Les élèves les plus anciens ont compris que l’attitude détermine l’altitude pour grimper le versant OMOTE construit sur le MOI basique et le MOI conscient. L’autre versant (URA) caché dans l’ombre, ne sera accessible qu’à la condition « d’écouter le silence, afin de voir l’invisible » comme le soulignait mon défunt professeur de wushu. Souvent un rêve est presque un chuchotement. N’ayez pas peur de faire le silence autour de vous pour pouvoir l’écouter.
Vos excuses sont les ennemis de votre condition physique et psychologique. Ne laissez pas votre esprit défaitiste ruiner vos efforts même si vous arrivez le dernier, car même en fin de peloton, vous serez toujours premier devant tous ceux qui n’ont pas couru. Alors votre futur dépend de ce que vous faites au présent. A vous de choisir, la voie de l’accomplissement ou la voie de garage avec au bout du chemin, le sempiternel « Si j’avais su... » et sa cohorte de regrets.
Eric GARNIER SINCLAIR